Il se présente comme une série d’archives détaillant les premiers contacts et dialogues entre un robot humanoïde doté d’une autonomie crée artificiellement et des êtres humains.
Une fois passé l’effet de surprise et conscients du caractère totalement artificiel de son fonctionnement, les patients aspirent à nouer des liens intimes et durables avec lui. C’est le phénomène de la dissonance cognitive. Les interlocuteurs ont pleinement conscience que le fonctionnement du robot est totalement artificiel mais ils développent malgré tout une relation personnelle et intime avec la machine en présence de l’équipe qui la fait fonctionner.
De nombreuses questions, craintes ou à priori circulent aujourd’hui sur le rôle des robots dans notre société. Beaucoup de spéculations et de peurs se dessinent dans l’avènement de ces machines qui seront un jour capables d’interagir efficacement avec les humains. Ce film nous place en observateurs de l’empathie que manifestent les humains pour ces machines humanoïdes.
Le tournage a duré 2 ans dans les hôpitaux gériatriques parisiens de Broca et de La Rochefoucauld, dans l’EPHAD Maison Ferrari de Clamart, dans les centres Weverbos et Toma Stena en Belgique. Il s’est fait avec des personnes âgées, parfois atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de démence et de jeunes adultes autistes ou souffrant de troubles neurologiques. Et bien entendu le soutien et l’aide du personnel des établissements.
Ce travail a été initié lors d’une résidence d’artiste/chercheur auprès de Anne-Sophie Rigaud et de Maribel Pino du laboratoire Lusage qui travaillent sur l’entrée des robots sociaux dans la santé. C’est au cours de cette résidence qu’à été mis au point par l’auteur un protocole de travail lui permettant d’explorer ce lien étrange et difficile à analyser observé entre un humain et l’objet artificiel qu’est le robot.
La recherche en robotique prend de plus en plus d’importance dans le domaine de la santé. Des robots humanoïdes ont déjà fait leur apparition dans certains services hospitaliers français. Ces robots suscitent chez les personnes des émotions positives. Ils améliorent la communication, l’interaction sociale et diminuent les troubles du comportement. Ils peuvent aider au bien être des patients lors des soins. Pour autant les indications, les limites et les aspects éthiques restent ouverts à discussion.
Actuellement des robots comme NAO, que l’on suit dans le film, ne peuvent que simuler et avoir des interactions sommaires - ils sont strictement dépendants de la personne qui les pilote.
Aussi ce film puise dans la fiction en s’ ancrant dans la réalité. Les scènes qui le composent, nous racontent un futur tour à tour, désiré, imaginé, et parfois rejeté par nos sociétés. En poussant NAO vers une autonomie rêvée, idéalisée, presque à portée de main, il s’agit de montrer la fascination et, parfois, l’envie irrésistible qu’ont les humains de communiquer avec ces machines. Ces rapports idéalisés leur apparaissent plus simples, apaisés par rapport à ceux qu’ils peuvent avoir avec leurs semblables. Bien que l’avènement de l’humanoïde robotique se heurte à la dure réalité économique, scientifique et technique, le rêve d’un compagnon artificiel reste, cependant, bien ancré dans notre imaginaire.
Ses séquences participent elles- même au phénomène de la dissonance cognitive. Elles sont perçues comme plus vraies que nature. Bien qu’ appartenant à une génération qui n’ignore rien du langage cinématographique, tous les spectateurs, ou presque, ont envie de croire à ce qu’ils voient. Immergés au quotidien dans un imaginaire hyper-réaliste mais émerveillés comme les premiers spectateurs de l’arrivée d’un train en gare de La Ciotat de Louis Lumière.
C’est un autre aspect de ce projet. L’imaginaire, et plus particulièrement la fiction sont, sans doute, nos meilleurs outils pour saisir certains des grands enjeux de notre futur.
« Ce sont des romans, des séries télévisées, des films de science fiction qui au fil du temps ont nourri l’imagination des codeurs et des concepteurs de nos outils numériques. Plus encore ce sont eux qui formulent explicitement les ambitions de la technique comme les questions éthiques suscitées par le déploiement de cette technique. »1
La science modèle le vivant, la fiction modèle la science.
Yves Gellie